Au dernier épisode, les méchants-méchants avaient essayé de discréditer la gentille-gentille démocradie du Sieur (Victoire) Hugo Chavez.
Coups de théâtre, menaces de coup d'Etat, coup d'épées dans l'eau ?
Que nenni, rien de tout cela ne s’est produit. Ici une paix sociale relative règne. Relative car le Bonhomme a décidé d’enfoncer plus loin le couteau rouge dans la plaie béante du capitalisme.(qu'il a dit).
Avant de détailler ce qui se passe au présent, je reviens un instant sur le déroulement démocratique de l’élection présidentielle du 3 décembre dernier.

Ah, il était attendu au tournant « père Ugo roi », il n’avait pas le droit à l’erreur, l’horreur était tant redoutée par la communauté internationale.
S’il perdait, justice était rendue, le peuple vénézuélien était enfin libéré du tyran bolivarien. S’il gagnait, c’est qu’il avait truqué les élections, manipulé les urnes, trafiqué les machine de vote électroniques, acheté les sondages, les sondeurs, les sondés, ou pire encore qu’il avait, comme tout bon populiste de gauche qui se respecte, acheté l’âme des électeurs en leur promettant monts et merveilles.
(En d'autres temps, l'Elu les aurait inviter à prier pour oublier leur pauvreté présente, en attendant d'être repêchés et de passer à la case paradis. Mais cet élu là, leur dit de réclamer le paradis ici et maintenant sur terre, et que la bible s'interprète de la sorte ! « Ah, quand les anciens communistes se mettent à lire les saintes écritures, voilà ce qui se passe », disait l'archevêque en terminant ses saintes huîtres.)

Et il a gagné, et la partie fût réglo, et le vote fût propre (si tant est qu’un vote puisse l’être), et les observateurs internationaux peuvent en témoigner : parmi la fondation Carter, les Etats Unis, l’Europe, qui cire les bottes du commandant ? Personne pour l’instant. Et malgré tous leurs efforts, personne n’a pu déceler la moindre fraude électorale. Pourquoi ? Peut être parce qu’il n’y en a pas eu. Peut être parce que ce n’est pas nécessaire de frauder quand on sait (sondages et manifestations populaires à l’appui) que la majorité du peuple est avec le processus en cours. Peut être parce que quand on redistribue les richesses du pays (au moins en partie) à l’attention de la population à travers des programmes de santé, d’éducation, d’alimentation, on n’a pas besoin de truquer des élections. Cette population qui auparavant ne voyait la couleur du pétrole et de ses dollars qu'à travers le prisme de la télévision et du rêve américain. Aujourd’hui elle voit la vie en rouge et souhaite que cela continue, tant bien que mal, même si le processus est une usine à gaz, même si la corruption persiste, même si leur dirigeant est un peu fêlé, caractériel, mégalo, anti-diplomate à ces heures.

Alors pourquoi les personnalités politiques de tous pays préfèrent se taire ou feindre de ne pas voir ce qui se passe ici ? Par ignorance ? Par mauvaise fois ? Par honte ? Par fine stratégie politichienne ?
Ils préfèrent laisser les médiamenteurs entonner leur refrain préféré sur le populiste. J’écrivais la dernière fois que nul ne pouvait réellement me donner la définition de ce terme. Et bien voyez vous, une version m’a été donnée par un escualido ( opposant voire ennemi de Chavez et/ou du processus). Cet homme donc, déteste Chavez pour son populisme. Pour lui être populiste, c'est travailler pour le peuple, pour le plus grand nombre, c’est à dire les pauvres voire par extension, des fainéants (aussi).
Voilà, enfin, l'association de mot est lancée. Cet escualido a en effet la franchise que n’ont pas nos grattes papier professionnels, nos têtes pensantes, les chiens de garde du capital, les rois de l’information, les portes bonne parole dans le chenil radio-télévisuel français et même mondial (nos régionaux de l’étape n’ont pas le monopole du mensonge, en effet).
Reconnaître la victoire de l’Autre dans des règles démocratiques, ce serait donc, reconnaître pour eux la grande faiblesse de la démocratie qui est en son sens, son essence : le pouvoir au plus grand nombre. Tous ces têtes pressants élitistes seraient en effet contraints de dévoiler leur dégoût du peuple, voire leur haine des masses. Souvenons-nous de ce qui s’est passé lors du référendum sur le traité constitutionnel européen, qui étaient les populistes et qui étaient les personnes éclairées, ceux qui manipulaient le peuple en s’accrochant à des valeurs réactionnaires, d’un autre temps, et ceux qui savaient, ceux qu’il fallait suivre sur le chemin de la Vérité du Marché. Les mêmes forces sont à l’œuvre en ce moment sur le terrain latino-américain pour sauver les peuplades des populismes d’Evo Moralès (le cocalero-indigène-qui-sacrifie-des-lamas-lors-des-fêtes-traditionnelles), d’Hugo-qu-on-ne-présente-plus-Chavez, et bientôt de l’Equatorien Rafael Carrea, du Nicaragueyen Manuel Ortega le sandiniste.
Il revient donc à nos Zérro de l’info de préserver les chastes esprits européens et mondiaux de la gangrène socialiste qui se propage comme une rumeur, ce en leur cachant la vérité des faits et s'il le faut en mentant (pour la dernière fois, c'est promis). Une petite précision nécessaire pour les compatriotes français: ici, "socialiste" signifie de gauche. Ce socialisme là est d'inspiration Marxiste.

Qui a réellement gagné l’élection présidentielle ?
Tout d’abord le candidat d’opposition Manuel Rosalès. En effet, selon le plan établi à l’avance par ses collaborateurs putschistes, il devait annoncer la fraude, appeler à descendre dans la rue pour réclamer justice et démocratie (sans savoir vraiment à quelle sauce allaient être mangés ses partisans, comme en 2002, avec ou sans sang ?). Mais entre deux, il a appris que ses « collaborateurs » de droite et d’extrême, avaient entre autres plans, de le supprimer afin de faire porter le chapeau à Chavez et ses sbires et de récupérer le bénéfice de l’affaire. Cette petite déconvenue, et bien d’autres encore, firent qu’au final, le soir des résultats il déclara à la surprise générale : « Je reconnais la victoire de mon adversaire, mais pas les chiffres. J’invite donc tous les militants à poursuivre la lutte au quotidien, pour renforcer nos millions de voix et remporter les prochaines élections . »
Et les fachos de réclamer de descendre de suite pour faire comprendre qui est vraiment le peuple, de prendre la rue… en vain.
Il a donc choisi de combattre sur le terrain démocratique, de capitaliser ses millions de votes, mais également de reconnaitre une existence à ses militants, autrefois bien malmenés par le retrait du processus électoral, la non reconnaissance des votes… Il est toujours politiquement-insignifiant, mais au moins il a des électeurs et des militants, ça pourra faire avancer le débat démocratique, un jour. Depuis peu, il a reconnu les chiffres (le temps de recompter, seul dans son QG de parti vide, ça a bien pris plus d'un mois).
Chavez, dont le slogan de campagne était l’illusoire « 10 millions de votes », n’obtint que 7,3 millions de voix, contre 4,2 pour son rival (les 12 autres candidats ne cumulant pas 1%) L’abstention, en constante baisse depuis son arrivée au pouvoir, demeurait tout de même de 25%.

Alors qui a gagné ?
Ceux qui souhaitaient que le processus électoral se déroule sans heurs, et qui pour cela se sont levés très tôt pour surveiller toute la journée les bureaux de vote.
Ceux qui souhaitaient la victoire du Cha, pour pouvoir renforcer le processus bolivarien, et poursuivre les réformes.
Ceux qui voulaient plus de pouvoir au sein des municipalités, ceux qui voulaient étudier gratuitement, ceux qui voulaient se faire soigner sans qu’on leur demande de sortir la carte bleue avant de les opérer en urgence, ceux qui ont dans le besoin qu’on mette à leur disposition de la nourriture à bas coup, voire gratuite en fonction de leurs ressources, ceux qui rêvaient de créer leur propre emploi au sein d’une coopérative en étant leur propre patron, ceux qui souhaitent que leur pays ne soit pas une étoile de plus sur la bannière nord américaine.
Tous ces vénézuéliens là ont gagné l’élection.

Mais croire à l’idylle réformiste ou au paradis révolutionnaire c’est se mettre le doigt dans l’œil avec le voile qui le recouvre.
La situation n’est pas si claire et limpide. Le mouvement populaire avait besoin d’un chef, il en a un, avec de grosses roubignolles et une grande gueule. Mais ça ne suffit pas. Ce mouvement doit pouvoir être riche d’autres apports, d’autres personnes et influences s’il veut se perpétrer et que le débat existe réellement en son sein. Car les tendances sont nombreuses et les distancions parfois très fortes entre ceux qui souhaitent construire le Socialisme du 21è siècle sur la base d’un parti marxiste léniniste uniquement et ceux qui souhaitent qu’il intègrent les guévaristes, les zapatistes, les castristes, les andinistes, les trotskystes, les mouvances autonomes et bien d’autres.

L’heure est donc venue de la création d’un Parti Socialiste Uni(que ?). Après avoir dissout son propre parti, le MVR, mouvement pour la Vème République, qu’il avait créé en 1996 en vu de remporter l’élection de 1998, cette machine électorale a par la suite tout remporté. Il était temps de tourner la page. Sous le prétexte que les 8 millions de votes de la présidentielle étaient pour lui et par pour un quelconque parti de l’alliance (une 20aine au total) il a invité les dirigeants de partis et les militants des différents mouvements, de le rejoindre dans la nouvelle machine. Alors, quid du débat démocratique dans un parti socialiste uni ?

Chavez est investit ce jour et l’on apprend qu’il jouira durant un an du droit de gouverner par décret : le voilà le super-président ! Que va-t-il faire de ses supers pouvoirs ? (ils ne sont pas assez grands encore pour botter les fesses de Bush).
Les jours précédents, il a remanié le gouvernement en effectuant un virage à gauche (oui oui c’est possible, il y a encore de la marge), il annonce :
-la nationalisation de l’entreprise de téléphonie CanTV. Je vois d'ici les yeux des envieux, le coeur plein de regrets des nostalgiques de l'époque où france télécom était encore public, (mais pas encore compétitif); je pense aux usagers qui ont vu les tarifs s'envoler, aux salariés qui ont été recyclés.
- le contrôle de la banque centrale par l’Etat. Il faut supposer que s’il n’est pas suicidaire, il en a touché deux mots à ses voisins rouges et roses d’Amérique Latine : Bolivie, Equateur, Cuba, Nicaragua, Brésil, Argentine).
-autre pied de nez à ses pires ennemis dans le pays, il ose toucher à la Radio Télévision de Caracas, emblème national, existant depuis 60 ans, une chaîne (désormais très commerciale) qui fait partie de la famille des vénézuéliens, mais qui a eu le malheur de participer très activement au coup d’Etat contre le président en 2002, et qui n’a cessé de jeter de l’huile sur le feu, tout en maltraitant le président et son p’tit peup’. Résultat des courses : le contrat qui l’autorise à utiliser les ondes du canal 2 se termine en mars 2007… et ne sera pas renouvelé. Alors, est ce de bonne guerre ? Réponse du berger à la louve ? Est-ce une atteinte à la liberté d’expression, dans un pays qui manque cruellement de canaux privés face au monopole de la propagande chaviste (8 canaux privés contre 1 gouvernemental) ?
Officiellement, il veut en faire un lieu d’expression (pluraliste), où l’éthique et la morale socialiste seront reines. Ça peut faire peur. Cela dépend de quel socialisme on parle. Dans la bouche de certains, à d’autres époques, éthique et morale socialiste sont synonymes de goulag, ou d’extermination pour d’autres. Rassurez vous il fait trop chaud ici pour mourir de froid en cassant des pierres avec ses dents dans un quelconque camps isolé de l’Amazonie.

« L’hégémonie socialiste doit faire face à l’hégémonie capitaliste » a-t-il dit. Ah, on y vient, alors retour à la guerre froide ? La guerre des idées fait en effet fureur et il parviennent petit à petit à gangréner l’Amérique Latine ( ou à renaitre ?). Le Nicaragua vient en effet de rejoindre l'ALBA, (aube) l'Alternative Bolivarienne des Amériques, s'opposant à L'ALCA, (sodomie), l'Accord de Libre Echange des Amériques. Regroupant déjà le Vénézuéla, la Bolivie et Cuba, elle est une alternative plus radicale que le Mercosur. Elle vise l'intégration des peuples sud-américain. Les relations économiques entre peuples et états membres y sont basés sur la solidarité, l'entraide mutuelle en fonction des faiblesses de chacun. Elle est pour l'instant subventionné par les pétrodolars vénézuéliens.
Il a décidé de renverser l’axe du mal et de prendre tonton dobeulyou à son propre jeu, mais dans la paix et l’union (diplomatique, commerciale) entre de nombreux pays du Sud, dits sous développés, émergents, ou montrés du doigt, en Asie, en Afrique, dans les pays Arabes. Jusqu’où ira cette hégémonie socialiste ?
Signifie-t-elle : combattre l’impérialisme américain par un impérialisme vénézuélien ? Nous serions bien avancés.
Faut il combattre l’ennemi en utilisant les mêmes armes que lui ? Je doute.

Qu’en est-il réellement de la lutte contre le capitalisme ?
Il est encore loin le temps où l’on pendra le dernier patron avec les tripes du dernier boursicotteur. Contrairement à ce que disent certains opposants qui veulent fuir à Miami beach ou ailleurs aux Statèss, le vilain communiste Chavez n'est pas en train de tuer le capitalisme. Il l'utilise à des fins sociales, et met en place plus de contrôle par l'Etat. Alors, dirons certains, c'est un capitalisme d'Etat ?
La question est de savoir comment se sortir du capitalisme, et en attendant, comment l'utiliser de façon à ce que les êtres humains puissent s'épanouir (tous, si possible). Le pays n’est pas près à se sevrer du capitalisme (y a t il un pays au monde qui l’est ? Cuba ? même plus !) Et puis, combattre le capitalisme avec son propre sang, c’est à dire le pétrole, ce serait bien la meilleure.

On ne peut pas, dans un pays de 26 millions d'habitants comptant 70 à 80% de pauvres, se permettent de sortir de ce système du jour au lendemain, ou alors ce serait criminel. Il y a des bouches à nourrir. Ce qui est possible pour un individu ou un petit groupe, n'est pas aussi facile pour des millions, surtout quand ils sont citadins à 93%, et surtout s'il n'y sont pas préparés, ou s'il ne l'ont pas décidé. Nous ne sommes pas dans le cas des communautés indigènes d'Amazonie ou de villages d'Afrique où le capitalisme n'existe pas (enfin pas encore, ne perdons pas désespoir), soit parce que les gens l'ont refusé, soit parce qu'il ne s'est pas encore imposé comme indispensable dans des milieux géographiquement reculés.

La pauvreté a reculé parce que le pays ne cesse de se développer, grâce aux pétrodollars diront certains, grâce aux orientations politiques diront d’autres, grâce aux deux dis je, c’est indéniable.
En huit ans de gouvernement et malgré une grande crise économique (le blocus et crise du pétrole de décembre 2002 février 2003) le pays relève la tête et croît. (ah, la croissance...) Mais à qui profite le crime ?
Le vice président lui même reconnais que cette révolution bolivarienne a plus profité économiquement aux classes moyennes. Par exemple l’octroi de voitures et de maisons a été facilité par une baisse des crédits dès son arrivée au pouvoir. Mais qui a les moyens de se voir concéder un crédit : les classes moyennes. Qui sont-elles ?
Ici, quasiment tout le monde est classe moyenne: du pauvre (prolo) classe moyenne inférieure, à la personne aisées voire très aisée qui a une maison secondaire et plusieurs voitures: classe moyenne supérieure. Il y a également le classe moyenne moyenne. La classe inférieure enfin, les très pauvres (10 % de la population) demeure sensiblement la même. L’extrême-pauvreté persiste, même si l’on ne meurt plus de faim. Dans les quartiers les plus défavorisés, les parents ne manquent pas d’envoyer leurs enfants à l’école car ils savent qu’un à deux repas sont assurés quotidiennement.
Ah oui, j’oubliais, les classes supérieure et l’oligarchie, qui eux avaient tous les pouvoirs (finances, médias, moyens de production, terres...) et ont l’impression de s’être fait dérober leurs biens. C’est en partie vraie pour les grands propriétaires terriens, à ce détail près que les terres récupérées par l’Etat et redistribuées aux petits agriculteurs, ne faisaient l’objet d’aucun titre de propriéte, et avaient même été volées à l’Etat durant les deux derniers siècles. De plus, ce sont des terres qui étaient en friche, non cultivées depuis des lustres. Par contre elles faisaient le bonheur des spéculateurs. Par la nouvelle constitution de 1999, les agriculteurs sans terre ont désormais le droit de s’installer pour cultiver et survivre. Ils font valoir ce droit en dépit des milices des grands propriétaires qui assassinent chaque année certains d’entre eux, qui les intimident également en brûlant leurs maisons, en détruisant leur matériel ou leurs récoltes. C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’un français installé sur son exploitation agricole près de Caracas, s’est fait enlever cette année.

Au programme du prochain article :
Parmi toutes ces missions (santé, social, éducation, culture, économie populaire...) ne manque-t-il pas une mission environnementale, dans un pays qui choisit de se développer en puisant gaz et pétrole ?
La diplomatie coup-de-poing du président : quel intérêt ?
Et toujours la grande question qui demeure : Chavez, populiste ou démago ?
Pour ce prochain article je vous écrirai d'un autre pays, la toute nouvelle : République Socialiste du Vénézuéla.